Page:Sand - Adriani.djvu/205

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Mais ce fut un éclair rapide ; elle reprit, avec la froideur de l’insinuation obstinée :

— Si vous aviez le moindre attachement pour moi, vous renonceriez à des chimères plutôt que de m’affliger ainsi !

— Oui, oui, dit la jeune femme toujours à ses pieds, je renoncerais à des chimères ; mais à une certitude, je ne le dois pas. Écoutez-moi comme une mère ; ce sera la première fois de ma vie que j’aurai essayé de vous attendrir, et, si j’échoue, je n’aurai rien à me reprocher. Vous ne me connaissez pas, vous ne m’avez jamais connue, ou bien c’est vous qui n’aimez pas vos enfants et qui ne pouvez sacrifier aucun de vos principes austères à leur bonheur, à leur existence. Ce n’est point un reproche que je vous adresse ; vous avez la grandeur d’une mère Spartiate !…

— Dites d’une mère chrétienne, répliqua la marquise. Celle des Macchabées vit torturer ses fils et leur prêcha la vraie foi jusque dans les bras de la mort.

— Eh bien, connaissez mes souffrances et voyez mon agonie, répondit Laure avec force ; vous ajouterez cette palme à vos triomphes, si vous restez indifférente et inébranlable. Je me meurs, ma mère, je m’éteins, je deviens folle ou idiote, si quelqu’un ne me sauve et ne m’impose, par sa foi et sa volonté, l’amour que je n’ai plus la force de trouver en moi-même. J’ai trop souffert, voyez-vous !