Page:Sand - Adriani.djvu/261

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réhabilitation de l’infortuné dans un monde meilleur, ou dans une série de nouvelles épreuves. Ce pardon, il le lui avait exprimé à lui-même, mais ce n’était pas assez. Dans une nuit de recueillement et de méditation, Adriani put s’interroger, se dépouiller, pour l’avenir comme pour le passé, de tout levain d’amertume, et prononcer sur cette tombe l’absolution complète que le prêtre n’eût pas osé accorder.

Puis, ranimé et fortifié par la conscience de sa grandeur d’âme, Adriani se rattacha à sa propre destinée par le sentiment du devoir. Il se dit que l’homme est condamné au travail, non pas seulement à celui qui amuse et féconde l’esprit, mais encore à celui qui use et déchire l’âme. Il ne se dissimula pas que la société devait tendre à rendre le fardeau plus léger pour tous ; que l’état parfait serait celui qui établirait un équilibre entre le plaisir et la peine, entre le labeur et la jouissance ; mais, en face d’une société où trop de mal pèse sur les uns et trop peu sur les autres, il comprit que le choix de l’âme fière et courageuse devait être parmi les plus chargés et les plus exposés. Il vit en face, sur les traits contractés et déjà hideux du spéculateur, les traces du travail excessif, mais anormal, qui consiste à faire servir d’enjeu, dans une lutte ardente et folle, l’argent, signe matériel et produit irrécusable à son origine du travail de l’homme. Il entoura d’une compassion tendre