Page:Sand - Adriani.djvu/285

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raisons me paraissaient si niaises devant mon amour !…

— Tu m’aimais donc déjà à ce point ?

— Certainement, mais je ne le savais pas. Je ne l’ai su qu’au moment où je me suis dit :

« — Je ne le reverrai donc plus !

» Alors j’ai eu un dernier accès de délire. Je me suis jetée sur mon lit, enveloppée d’un drap comme d’un linceul, et j’ai dit à Toinette, qui me tourmentait :

» — Laisse-moi, couvre-moi la figure, ne me regarde plus, va faire creuser dans un coin du jardin, et rappelle-toi la place, pour la lui montrer, s’il revient jamais ici.

» Toinette m’a répondu, me parlant comme quand j’étais enfant :

» — Écoute, ma Laure, il t’attend là-bas ! Il s’impatiente, il se désole, il croit que tu ne veux plus de lui parce qu’il est malheureux. Lève-toi et viens le trouver.

» Je me suis levée, j’ai demandé où était la voiture, et puis j’ai pleuré, j’ai ri, je me suis calmée. J’ai vu clair alors dans l’avenir, j’ai relu ta lettre, je l’ai comprise ; j’ai mis ordre à mes affaires avec la plus grande liberté d’esprit. J’ai été à Larnac, je n’ai rien dit à ma bellemère, sinon que je partais pour longtemps ; je lui ai renouvelé tous ses pouvoirs au gouvernement de Larnac et à la disposition de mes revenus, au cas où elle consentirait à se relâcher du scrupule qu’elle met à me les faire passer sans en rien retenir pour elle-même. J’ai bien vu