Page:Sand - Adriani.djvu/286

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qu’elle était fort contrariée de me voir si raisonnable dans toutes ces choses positives, au moment où elle me faisait passer pour aliénée auprès de la famille. J’ai compris que, pour la soulager d’une grande anxiété, je devais m’enfermer dans ma chambre, ne voir personne et passer pour maniaque. Pendant six mois ensuite, elle a réussi à faire croire ou au moins à faire dire que j’étais à Paris dans une maison de santé. Quand la vérité a éclaté comme la foudre, quand les âmes charitables ont refusé de croire que le mariage eût sanctionné notre amour, préférant l’idée d’un caprice de galanterie de ma part à la certitude d’une mésalliance, tu sais quelle sèche malédiction m’a été lancée. Eh bien, pas plus dans l’attente de cet anathème que dans son accomplissement, je n’ai pensé te faire un sacrifice. J’obéissais à mon égoïsme, bien avéré pour moi-même ; je ne pouvais vivre sans toi ; je cherchais la vie, voilà tout !

— Et, depuis, cette aversion que tu avais ressentie auparavant pour l’état que j’ai embrassé n’est jamais revenue troubler ton bonheur ?

— Je ne m’en suis jamais souvenue. Je m’étais donc bien cruellement prononcée là-dessus ?

— Mais oui, autant que moi-même I

— Eh bien, c’est à cause de cela ! Tu ne voulais pas être comédien, je haïssais l’état de comédien. Tu t’es fait comédien, j’ai reconnu que c’était le plus bel état du monde.