Page:Sand - Adriani.djvu/287

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— Pas pour toujours ?

— C’eût été pour toujours si tu en avais jugé ainsi. Voyons, n’ai-je pas été, pendant ces trois années, l’être le plus heureux de la terre ? Outre ton amour, qui eût suffi, et au delà, à tous mes désirs, ne m’as-tu pas entourée d’amis excellents, d’artistes exquis, de jouissances élevées ? Comment aurais-je pu, dans ce milieu si charmant et si affectueux, regretter les grands-oncles et les petits-cousins de Vaucluse ? En vérité, tu as l’air de te moquer de moi, quand tu me rappelles mon isolement et mon obscurité. Est-ce que, dans le cas où j’aurais aimé l’éclat, je n’avais pas ta gloire ? C’est bien plutôt moi qui devrais m’étonner qu’un homme tel que toi ait pu apercevoir et ramasser, dans ce coin perdu, la pauvre désolée, à moitié idiote ! Oui, oui, je m’étonnerais, si je ne savais que les grandes âmes sont seules capables de grands amours.

— Non, dit Adriani mêlant sous ses baisers les cheveux blonds de sa fille aux noirs cheveux de sa femme, il n’est pas nécessaire d’être un homme supérieur pour savoir aimer ! C’est aussi une erreur monstrueuse de croire que les grandes passions soient la fatalité des âmes faibles. L’amour n’est ni une infirmité ni une faculté surnaturelle…

— Tu as raison, dit Laure en l’interrompant, l’amour, c’est le vrai ! Il suffit de n’avoir ni le cœur souillé, ni