Page:Sand - Adriani.djvu/85

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Le ton un peu amer que, malgré moi, je mis dans ces paroles, parut la frapper. Elle me regarda avec étonnement et jusque dans les yeux, avec une absence de timidité qui était la suprême expression d’une totale absence de coquetterie ; puis elle me tendit la main avec une grande franchise en me disant :

— Non, ce n’est pas de l’indifférence, c’est de la confiance, vous l’avez dit. Si votre figure n’est pas celle d’un galant homme, je suis devenue aveugle ; si votre intelligence n’est pas supérieure, je suis devenue inepte. De votre côté, vous ne m’avez pas regardée une seconde sans voir que j’ai cent ans ; vous n’êtes pas revenu, ce soir, chanter exprès pour moi, sans m’apporter l’aumône d’une profonde pitié. Cela ne m’humilie pas, vous voyez ! je l’accepte, au contraire, avec une véritable reconnaissance. Ne me dites pas qui vous êtes, et revenez demain.

Muiron était bien désappointée de la première partie de cette conclusion. Elle me suivit encore sous prétexte de me reconduire, et finit par me dire naïvement :

— Eh bien, voyons, la, monsieur, puisque vous vouliez donner à madame des éclaircissements sur votre position, donnez-les-moi ; ce sera la même chose !

— Non pas, mon aimable Toinette, lui répondis-je en riant ; ma position, comme vous dites, devient ici, grâce à vous, un secret que je me ferais un devoir de révéler