Page:Sand - Albine, partie 1 (La Nouvelle Revue, 1881).djvu/14

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qu’en me blâmant, si je mérite le blâme, vous rendriez mon horizon encore plus noir et ma déception plus profonde. Je ne vous parlerai plus de ces choses, ne m’en parlez jamais, si vous m’aimez !

Je fais bâtir parce que mon pauvre vieux manoir devient réellement inhabitable pendant l’hiver et que je ne suis pas décidé à continuer le métier d’oiseau voyageur, pour aller chercher tous les ans le soleil en Italie ou en Espagne. Mes études se trouvent très mal de cette émigration annuelle, mes dispositions d’esprit en ressentent une fluctuation qui ôterait toute vue d’ensemble à mon travail ; votre jeune architecte me rendra donc grand service s’il marche vite, et je suis résolu à lui en savoir gré de toutes les manières. Ne vous inquiétez pas de la lutte de principes qui peut s’engager entre nous. Vous m’avez connu fervent, mais vous ne savez pas à quel point j’ai appris à mes dépens l’indulgence et la modestie ! Merci pourtant pour vos bons avis et pour vos affectueuses préoccupations. Je suis à vous toujours du plus profond de mon cœur.

flaminien.


CINQUIÈME LETTRE

Juste Odoard à Mlle de Nesmes, à Lyon.


Château d’Autremont, le…


Est-ce bien vrai que tu es tout à fait bien, ma mère chérie ? Que tu es bonne de m’avoir envoyé ce télégramme que je viens de recevoir. J’espère que la poste de demain m’apportera une vraie lettre de ton écriture, et que je pourrai avoir l’esprit libre et le cœur content pour faire connaissance avec le patron dont je viens recevoir les ordres en attendant qu’il m’accorde l’amitié promise.

Moi, j’ai peine à croire, si bon qu’il soit, que je puisse m’attacher beaucoup à un fervent catholique, à une espèce de saint tel que me l’a dépeint le très chrétien M. de Sainte-Fauste. Ces braves gens-là sont capables de tous les bons procédés, mais ils