Page:Sand - Andre.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ni heureux après un pareil démenti à la timidité de son caractère et à la douceur de son âme. Il est donc nécessaire de renoncer à ce mariage imprudent et romanesque ; il en est temps encore… André n’a contracté aucun engagement envers moi.

En prononçant ces derniers mots, le visage de Geneviève se couvrit d’une orgueilleuse rougeur, et Joseph, l’homme le plus sceptique de la terre lorsqu’il s’agissait de la vertu des grisettes, sentit sa conviction subjuguée ; il crut lire tout à coup sur le front de Geneviève son inviolable pureté.

« Écoutez, lui dit-il en se levant et en lui prenant la main avec une rudesse amicale, je ne suis ni galant ni romanesque ; je n’ai, pour vous plaire, ni l’esprit ni le savoir d’André. Il vous aime d’ailleurs, et vous l’aimez… Je n’ai donc rien à dire… »

Et il sortit brusquement, croyant avoir dit quelque chose. Geneviève, étonnée, le suivit des yeux, et chercha à interpréter l’émotion que trahissaient sa figure et son attitude ; mais elle n’en put deviner le motif, et reporta sur elle-même ses tristes pensées. Depuis bien des jours elle n’avait plus le courage de travailler. Elle s’efforçait en vain de se mettre à l’ouvrage ; de violentes palpitations l’oppressaient dès qu’elle se penchait sur sa table, et sa main tremblante ne pouvait plus soutenir le fer ni les ciseaux. La lecture lui faisait plus de mal encore. Son imagination trouvait à chaque ligne un nouveau sujet