Page:Sand - Andre.djvu/232

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celles de Geneviève ; mais qui pouvait s’en soucier ou s’en apercevoir, si ce n’est deux ou trois amateurs de botanique, qui cultivaient des fleurs et n’en commandaient pas ? Le besoin vint assiéger la pauvre fleuriste ; personne ne s’en douta, et André moins que tout autre, tant elle sut bien cacher sa pénurie ; mais elle supporta de longs jeûnes, et sa santé s’altéra sérieusement.

L’amitié d’Henriette, qui lui avait été douce et secourable autrefois, lui fut tout à fait ravie. La dernière fuite de Joseph, les fréquentes visites qu’il continuait à rendre à Geneviève, et surtout l’indifférence qu’il ne pouvait plus dissimuler, furent autant de traits envenimés dont Henriette reçut l’atteinte, et dont elle retourna la pointe vers sa rivale. Elle était bonne, et son premier mouvement était toujours généreux ; mais elle n’avait pas l’âme assez élevée pour résister à l’humiliation de l’abandon et aux railleries de ses compagnes. Elle accablait Geneviève de menaces ridicules. La malheureuse enfant perdit enfin ce noble et tranquille orgueil qui l’avait soutenue jusque-là. Elle devint craintive, et sa raison s’affaiblit ; elle passait les nuits dans une solitude effrayante ; son imagination, troublée par la fièvre, l’entourait de fantômes : tantôt c’était le marquis, tantôt Henriette, qui la foulaient aux pieds et lui dévoraient le cœur, tandis qu’André dormait tranquillement, et, sourd à ses cris, ne s’éveillait pas. Alors elle se levait effarée, baignée de sueur ; elle ouvrait sa fenêtre et