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Page:Sand - Andre.djvu/234

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tristes et abandonnés du reste du monde ? Pourquoi flétrir la sainte union de deux êtres à qui Dieu inspire un mutuel amour ? André ne put combattre longtemps le vœu de la nature. Geneviève malade et souffrante lui devenait plus chère chaque jour. Le feu de la fièvre animait sa beauté d’un éclat inaccoutumé ; avec cette rougeur et ces yeux brillants, c’était une autre femme, sinon plus aimée, du moins plus désirable. André ne savait pas lutter longtemps contre lui-même ; il succomba, et Geneviève avec lui.

Quand elle retrouva ses forces et sa raison, il lui sembla qu’elle sortait d’un rêve ou qu’un des génies des contes arabes l’avait portée dans les bras de son amant durant son sommeil. Il se jeta à ses pieds, les arrosa de ses larmes et la conjura de ne pas se repentir du bonheur qu’elle lui avait donné. Geneviève pardonna d’un air sombre et avec un cœur désespéré ; elle avait trop de fierté pour ne pas haïr tout ce qui ressemblait à une victoire des sens sur l’esprit ; elle n’osa faire des reproches à André ; elle connaissait l’exaspération de sa douleur au moindre signe de mécontentement qu’elle lui donnait ; elle savait qu’il était si peu maître de lui-même que dans sa souffrance il était capable de se donner la mort.

Elle supporta son chagrin en silence ; mais au lieu de tout pardonner à l’entraînement de la passion, elle sentit qu’André lui devenait moins cher et moins