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empêcher, dit Joseph d’un air grave ; les nouvelles lois donnent aux enfants un recours si étendu contre l’autorité sacrée des parents !

Le marquis commença à prévoir l’ouverture que lui préparait Joseph. Il y avait pensé plus d’une fois, et s’était flatté que son fils n’oserait jamais en venir là. Grossièrement abusé par la feinte amitié de Joseph, il commença à concevoir des craintes sérieuses, et il jeta autour de lui un regard étrange, que Joseph interpréta sur-le-champ. Il se promit de profiter de la terreur cupide du marquis, et, pour s’emparer de lui de plus en plus, il s’invita adroitement à dîner. « Ma demande n’est pas trop indiscrète, dit-il en tirant de sa gibecière le lièvre qu’il avait acheté au marché, j’ai précisément sur moi le rôti.

— C’est une belle pièce de gibier, dit le marquis en examinant le lièvre d’un air de connaisseur.

— Je le crois bien, dit Joseph ; mais ne me faites pas trop de compliments, car c’est votre bien que je vous rapporte ; j’ai tué ça sur vos terres.

— En vérité ? dit le marquis, dont les yeux brillèrent de joie : eh bien ! tu vois, ils prétendent tous qu’il n’y a pas de lièvres dans ma commune ! Moi, je sais qu’il y en a de beaux et de bons, puisque j’en élève tous les ans plus de cinquante que je lâche en avril dans mes champs. Ça me coûte gros ; mais enfin c’est agréable de trouver un lièvre dans un sillon de temps en temps.

— À qui le dites-vous ?