Page:Sand - Andre.djvu/254

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— Comment, diable ! veux-tu que j’y prenne garde avec les sacrées lois que nous avons ?

— Il faut tâcher, dit Joseph, de s’emparer de son caractère.

— Ah ! si quelqu’un au monde pouvait dompter et gouverner un fils rebelle, répondit le marquis, il me semble que c’était moi ! Mais que faire avec ces êtres qui ne résistent ni ne cèdent, que vous croyez tenir, et qui vous glissent des mains comme l’anguille entre les doigts du pêcheur ?

Joseph vit que le marquis commençait à s’effrayer tout de bon ; il le fit passer habilement par un crescendo d’épouvantes, affectant avec simplicité de l’arrêter à toutes les pièces de terre qui appartenaient à André, et que le pauvre marquis, habitué à regarder comme siennes depuis trente ans, lui montrait avec un orgueil de propriétaire. Quand il avait ingénument étalé tout son savoir-faire dans de longues démonstrations, et qu’il s’était évertué à prouver que le domaine de sa femme avait triplé de revenu entre ses mains, Joseph lui enfonçait un couteau dans le cœur en lui disant : « Quel dommage que vous soyez à la veille d’être dépouillé de tout cela ! »

Alors le marquis affectait de prendre courage.

— Que m’importe ! disait-il, il m’en restera toujours assez pour vivre : me voilà vieux.

— Hum ! voisin, les belles filles du pays disent le contraire.