Page:Sand - Andre.djvu/269

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joyeusement le poids d’une si rude destinée et de se conserver pour des jours meilleurs ; mais ces jours-là n’étaient pas à espérer avec une âme aussi débile que celle d’André. Geneviève n’était pas née passionnée ; elle était née honnête, intelligente et ferme. Elle raisonnait avec une logique accablante, et toutes ses conclusions tendaient à la désespérer. Un instant elle avait entrevu une vie d’amour et d’enthousiasme, elle l’avait comprise plutôt que sentie ; pour lui inspirer l’aveugle dévouement de la passion, il eût fallu un être assez grand, assez accompli pour la convaincre avant de l’entraîner. Elle avait vu cet être-là dans ses livres, et elle avait cru le voir encore derrière l’enveloppe douce, gracieuse et caressante d’André ; mais à la première occasion elle avait découvert qu’elle s’était trompée.

Elle continua de l’aimer et le traita dans son cœur, non comme un amant, mais comme elle eût fait d’un frère plus jeune qu’elle. Elle s’efforça de lui épargner la souffrance en lui cachant la sienne ; elle s’habitua à souffrir seule, à n’avoir ni appui, ni consolation, ni conseil. Sa force augmenta dans cette solitude intellectuelle ; mais son corps s’y brisa, et elle sentit avec joie qu’elle ne devait pas souffrir longtemps.

André la vit dépérir sans comprendre qu’il allait la perdre. Elle souffrait extrêmement de sa grossesse, et attribuait à cet état toutes ses indispositions et toutes ses