Page:Sand - Andre.djvu/271

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qui en toute autre situation se fût engagée à tous les sacrifices possibles, comprit qu’elle n’avait pas le droit de le faire en ce moment : elle allait mourir et laisser un orphelin ; car André n’était pas plus propre au rôle de père qu’à celui de fils et d’époux. Elle frémit à l’idée de dépouiller son enfant et de le sacrifier à un sentiment d’orgueil et de dédain. Elle essaya de faire comprendre à son beau-père ce qui se passait en elle ; mais ce fut bien inutile : le marquis insista. Geneviève fut forcée de résister franchement. Alors le marquis entra dans une fureur épouvantable et l’accabla d’injures. La gouvernante, qui avait écouté à la porte, dans la crainte que son maître ne se laissât persuader par cet entretien, entra et joignit ses reproches et ses insultes à celles du marquis. Geneviève avait supporté les premières avec résignation ; elle répondit aux secondes par une seule parole de ce froid mépris qu’elle savait exprimer, dans l’occasion, d’une manière incisive. Le marquis prit le parti de sa maîtresse, et, ayant épuisé tout le vocabulaire des jurons et des gros mots, leva le bras pour frapper Geneviève. En cet instant, André, attiré par le bruit, entrait dans la chambre. Personne n’était plus violent que lui quand une forte commotion le tirait de sa léthargie habituelle : dans ces moments-là il perdait absolument la tête et devenait furieux. À la vue de Geneviève enceinte, à demi terrassée par le bras robuste du marquis, tandis que l’odieuse servante s’avançait, une chaise