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Page:Sand - Andre.djvu/33

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mais ce n’était pas sa faute ; il avait dans la tête l’ineffaçable souvenir d’un teint pâle, de deux grands yeux mélancoliques, d’une voix douce, et voulait à toute force trouver de la poésie, sinon dans le langage, du moins dans le silence d’une femme. Tout ce petit caquetage d’enfants gâtés lui déplut. D’ailleurs il n’était pas aisé d’en approcher ; la moins belle était surveillée par plus d’un aspirant jaloux, et André ne se sentait pas la moindre vocation pour le rôle de Lovelace campagnard. Trop modeste pour espérer de supplanter qui que ce fût, il était trop nonchalant pour engager la lutte avec un concurrent. Il se retira donc de bonne heure, laissant Joseph dans une grande exaltation entre une belle ravaudeuse aux yeux noirs et un énorme bol de vin chaud.

— Comment, dit-il à André le lendemain, tu es parti avant la fin ! Tu n’y entends rien, mon cher ; tu ne sais pas que c’est le meilleur moment. On se place adroitement à la sortie, on jette son dévolu sur une fille mal gardée, on lui offre le bras, elle accepte. Vous la reconduisez jusque chez elle, vous avez pour elle mille petits soins durant le trajet : vous lui offrez, votre manteau, elle en accepte la moitié ; vous la soulevez dans vos bras pour traverser le ruisseau. Si un chien passe auprès d’elle dans l’obscurité, elle se presse contre vous d’un petit air effrayé, sous prétexte qu’elle a grand’peur des chiens enragés ; vous la rassurez, et vous brandissez votre canne en élevant la voix de manière à réveiller toute