Page:Sand - Andre.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

doute de rien, on arrive à tout. D’ailleurs je ne te dis pas d’aller te mettre en concurrence avec un de ces gros corroyeurs qui sont accoutumés à charger des bœufs sur leurs épaules, ni avec un de ces fils de fermier qui ont toujours à la main un bâton de cormier ou un brin de houx de la taille d’un mât de vaisseau. Non, il y a assez de freluquets auxquels on peut s’attaquer, de petits clercs d’avoué qui ont la voix flûtée et le menton lisse comme la main, ou bien des flandrins de la haute bourgeoisie qui n’ont pas envie de déchirer leurs habits de drap fin. Ceux-là, vois-tu, on leur souffle leur dulcinée en quinze jours quand on sait s’y prendre. La grisette aime assez ces marjolets qui font des phrases et qui portent des jabots ; mais elle aime par-dessus tout un brave tapageur qui ne sait pas nouer sa cravate, qui a le chapeau sur l’oreille, et qui pour elle ne craint pas de se faire enfoncer un œil ou casser une dent.

André secoua la tête.

— Je ne ferais pas fortune ici, dit-il, et je ne chercherai pas.

— Comme tu voudras, reprit Joseph ; mais viens toujours dîner avec nous aujourd’hui, tu nous l’as promis.

André se rendit donc à cinq heures chez les parents de son ami Marteau.

— Parbleu ! dit Joseph, si tu fuis les grisettes, les grisettes te poursuivent. Ma mère fait faire le trousseau