Page:Sand - Andre.djvu/42

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répondit Joseph ; chut ! écoutez bien, vous ne le direz pas ?…

— Non, non, non, s’écrièrent-elles.

— Eh bien ! reprit Joseph, il est amoureux de vous quatre. Il en perd l’esprit et l’appétit ; et si vous ne tirez pas au sort laquelle de vous…

— Oh ! le méchant moqueur ! dirent-elles en l’interrompant.

— Monsieur Joseph, nous ne sommes pas des enfants, dit Henriette en affectant un air digne, nous savons bien que monsieur est noble et que nous sommes trop peu de chose pour qu’il fasse attention à nous. Quand une ouvrière va raccommoder le linge du château de Morand, le père et le fils s’arrangent toujours pour ne pas manger à la maison, afin certainement de ne pas manger avec elle. On la fait dîner toute seule ! ce n’est pas amusant : aussi il n’y a pas beaucoup d’artisanes qui veuillent y aller. On n’y a aucun agrément, personne à qui parler ; et quels chemins pour y arriver ! aller en croupe derrière un métayer ! ce n est pas un si beau voyage à faire, et ce n’est pas comme M. de… C’est un noble pourtant, celui-là ! eh bien ! il vient chercher lui-même ses ouvrières à la ville, et il les emmène dans sa voiture.

— Et il a soin de choisir la plus jolie, dit Joseph : c’est toujours vous, mademoiselle Henriette.

— Pourquoi pas ? dit-elle en se rengorgeant ; avec des gens aussi comme il faut !…