Page:Sand - Andre.djvu/67

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Compte-t-on pour rien toutes ces âmes aimantes qui la possèdent et qui souffrent, qui se taisent devant les hommes et qui pleurent devant Dieu ? Voix isolées qui enveloppent le monde d’un chœur universel et se rejoignent dans les cieux ; étincelles divines qui retournent à je ne sais quel astre mystérieux, peut-être à l’antique Phébus, pour en redescendre sans cesse sur la terre et l’alimenter d’un feu toujours divin ! Si elle ne produit plus de grands hommes, n’en peut-elle pas produire de bons ? Qui sait si elle ne sera pas la divinité douce et bienfaisante d’une autre génération, et si elle ne succédera pas au doute et au désespoir dont notre siècle est atteint ? Qui sait si dans un nouveau code de morale, dans un nouveau catéchisme religieux, le dégoût et la tristesse ne seront pas flétris comme des vices, tandis que l’amour, l’espoir et l’admiration seront récompensés comme des vertus ?

La poésie, révélée à toutes les intelligences, serait un sens de plus que tous les hommes peut-être sont plus ou moins capables d’acquérir, et qui rendrait toutes les existences plus étendues, plus nobles et plus heureuses. Les mœurs de certaines tribus montagnardes le prouvent avec une évidence éclatante ; la nature, il est vrai, prodigue de grands spectacles dans de telles régions, s’est chargée de l’éducation de ces hommes ; mais les chants des bardes sont descendus dans les vallées, et les idées poétiques peuvent s’ajuster à la taille de tous les hommes. L’un