Page:Sand - Andre.djvu/68

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porte sa poésie sur son front, un autre dans son cœur ; celui-ci la cherche dans une promenade lente et silencieuse au sein des plaines, celui-là la poursuit au galop de son cheval à travers les ravins ; un troisième l’arrose sur sa fenêtre dans un pot de tulipes. Au lieu de demander où elle est, ne devrait-on pas demander où elle n’est pas ? Si ce n’était qu’une langue, elle pourrait se perdre ; mais c’est une essence qui naît de deux choses : la beauté répandue dans la nature extérieure, et le sentiment départi à toute intelligence ordinaire. Pour condamner à mort la poésie et la porter au cercueil, il nous faudra donc arracher du sol jusqu’à la dernière des fleurettes dont Geneviève faisait ses bouquets.

Car elle aussi était poète ; et croyez bien qu’il y a au fond des plus sombres masures, au sein des plus médiocres conditions, beaucoup d’existences qui s’achèvent sans avoir produit un sonnet, mais qui pourtant sont de magnifiques poëmes.

Il faut bien peu de chose pour éveiller ces esprits endormis dans l’épaisse atmosphère de l’ignorance ; et pour les entourer à jamais d’une lumineuse auréole qui ne les quitte plus. Un livre tombé sous la main, un chant ou quelques paroles recueillies d’un passant, une étude entreprise dans un dessein prosaïque ou par nécessité, le moindre hasard providentiel, suffit à une âme élue pour découvrir un monde d’idées et de sentiments. C’est ce qui était arrivé à Geneviève. L’art frivole d’imiter les fleurs l’avait con-