Page:Sand - Antonia.djvu/107

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— Alors je ne le mettrai nulle part. Cela nuirait à mon effet.

— Ah ! par exemple ! je veux mon nom, pourtant !

— Vous le ferez mettre en grosses lettres noires sur un médaillon en relief, en haut ou en bas du cadre doré.

— Ah bien ! c’est une idée, ça ! Si tu me fais un chef-d’œuvre, je t’inviterai à la cérémonie du baptême.

— Bah ! une cérémonie ?

— Oui, ces messieurs du Jardin du Roi viennent demain déjeuner chez moi. Je les ai invités. Je les attends, et, comme ça m’ennuie de rester en place les bras croisés, je m’en vais voir un peu chez moi si on fait bien les choses, car je veux une espèce de fête. Aie bien soin de mon lis, ne te laisse pas déranger, travaille sans désemparer. Je reviens dans une heure.

Et, comme chaque coup de pinceau, donné désormais avec entrain et certitude par Julien, semblait faire passer sur la toile la vie de la plante merveilleuse, l’oncle en fut frappé, sourit, et s’humanisa jusqu’à taper sur l’épaule du jeune homme en disant :

— Courage, mon garçon, courage ! Contente-moi, tu ne t’en repentiras peut-être pas.

Il sortit ; mais, au lieu de rentrer dans son enclos, il se dirigea machinalement vers l’hôtel d’Estrelle. Un monde d’idées confuses, riantes, chagrines, hardies, faisait extravaguer cette tête affaiblie en même temps