Page:Sand - Antonia.djvu/119

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nomie irrésistible, Julien ne devait pas et ne pouvait pas s’exprimer autrement. Alors la glace fut rompue et toute roideur d’étiquette fut oubliée, comme si la méfiance eût été une mutuelle injure, et ils se parlèrent un instant avec un abandon extraordinaire.

— Je suis heureuse d’avoir sauvé votre mère, dit Julie ; vous le savez bien ! Elle n’a pas pu ne pas vous dire combien je l’aime !

— Vous avez raison de l’aimer, vous ne vous en repentirez jamais. C’est un cœur digne du vôtre.

— Je voudrais pouvoir dire que le mien est, en effet, digne de sa confiance. Oh ! elle m’a bien parlé de vous ! Vous l’adorez, je le sais, et, pour ce grand amour filial. Dieu vous bénira.

— Il me bénit déjà, puisque c’est vous qui me le dites.

— Et je vous le dis de toute mon âme. Pourquoi donc ne vous le dirais-je pas ? Il y a si peu de personnes à estimer sans réserve !

— Il y en a dont l’estime est un si grand bienfait, que, pour l’obtenir, on accepterait la haine et le mépris de toutes les autres.

— Oh ! c’est une politesse que vous dites là ; vous ne me connaissez pas assez…

— Je vous connais, madame, par vos bontés, par vos grandeurs d’âme et vos délicatesses de cœur. Il faudrait être sourd pour ne pas vous connaître, aveugle pour ne pas vous comprendre, et une affection, une