Page:Sand - Antonia.djvu/125

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leurrée et mise en guerre contre toi-même. Réconcilie-toi avec tes origines, qui tiennent plus au tiers qu’à la noblesse ; avec ta conscience, qui te reproche d’avoir écouté les conseils de la fausse gloire et cédé aux menaces de parents ambitieux ; rentre en grâce auprès de Dieu qui abandonne les âmes éprises des faux biens, sois vraie, sois forte comme ce jeune homme qui t’adore, et qui vient de te révéler dans un regard la plus grande et la plus noble passion que tu inspireras jamais. »

Et, tout en écoutant cette voix mystérieuse de son propre cœur, Julie regardait autour d’elle et s’étonnait de sentir un calme divin succéder aux agitations qui l’avaient bouleversée. Elle savourait le charme d’un petit phénomène bien simple. Sa vue courte saisissait, dans un local beaucoup plus étroit que ceux auxquels elle était habituée, le détail de tous les objets environnants. C’était une bien humble demeure que ce pavillon Louis XIII ; mais elle était rajeunie par un goût d’arrangement qui révélait l’artiste amoureux d’élégance jusque dans la pauvreté. La construction n’était pas laide par elle-même. La profonde et large embrasure de la fenêtre où la veuve avait installé, comme dans un petit sanctuaire, son fauteuil, son rouet, son guéridon et son coussin de pied, donnait un aspect d’intimité flamande à cette partie de l’atelier ; le reste avait été restauré assez récemment, mais dans les conditions d’une stricte économie. Des boiseries grises toutes nues, avec quelques encadrements