Page:Sand - Antonia.djvu/177

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nouer leurs relations sans agitation ni danger pour personne.

D’où vient qu’en se retrouvant seule Julie se sentit accablée d’une tristesse inexplicable ? Elle en chercha vainement la cause, et s’en prit aux visites qui survinrent. Elle trouva sa vieille amie, madame des Moines, insupportablement bavarde ; le vieux duc de Quesnoy, lourd et monotone comme un marteau de forge ; sa cousine, la présidente Boursault, prude et grimacière ; l’abbé (dans toute société intime, il y avait toujours alors un abbé), elle trouva l’abbé personnel et fadasse. Enfin, lorsqu’à l’heure de la toilette, Camille vint pour la coiffer, elle la renvoya avec humeur en lui disant :

— À quoi bon ?

Puis elle la rappela, et, par un caprice soudain, elle lui demanda si, depuis trois jours, son dernier demi-deuil n’était pas absolument fini ?

— Eh oui ! madame, dit Camille, bien fini ! et madame la comtesse a tort de ne pas le quitter. Si elle le garde encore quelque temps, cela fera très-mauvais effet.

— Comment cela, Camille ?

— On dira que madame prolonge ses regrets par économie, afin d’user ses robes grises.

— Voilà un raisonnement très-fort, ma chère, et je m’y rends. Apportez-moi vitement une robe rose.

— Rose ? Non, madame, ce serait trop tôt. On dirait que madame portait son deuil à contre-cœur et