Page:Sand - Antonia.djvu/32

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de me dire que, ne fût-ce qu’un jour, le premier jour de mon mariage, je veux aimer et croire ! Sans cela, je le sais par expérience, le mariage est une honte et un martyre.

— S’il en est ainsi, dit la baronne en se levant, je vous laisse à vos rêveries, ma chère belle, et vous demande humblement pardon de les avoir interrompues.

Elle partit blessée, car elle était pénétrante, quoique sotte, et elle sentait bien que la douce Julie, en cet éclair de révolte, venait de lui dire son fait ; mais elle n’était pas méchante, et, au bout d’une heure, elle ne lui en voulait plus. Même elle se sentait un peu triste et par moments elle était toute prête à se dire :

— Julie a peut-être raison !

De son côté, Julie sentit tomber son courage dès qu’elle se retrouva seule, et sa fierté se brisa dans les larmes. Elle n’était forte que par réactions nerveuses, peut-être par un besoin d’aimer plus âpre qu’elle ne se l’avouait à elle-même. Par nature, elle était timide et même craintive. Elle connaissait trop le bon cœur de la baronne pour croire à une rupture avec elle ; mais elle se disait de son côté :

— Peut-être Amélie a-t-elle raison ! Je demande l’impossible, les convenances de rang et de fortune avec l’amour ! Qui rencontre cela ? Personne dans ma situation. Faute du mieux, je vais peut-être tomber dans le pire, qui est l’isolement et la tristesse.

Elle prit son ombrelle, une de ces ombrelles blan-