Page:Sand - Antonia.djvu/325

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personne qui nous est chère, nous n’en rougissions pas,… et même,… tenez, monsieur, ajouta madame Thierry avec un grand effort de dévouement pour son fils, votre nom eût été béni chez nous, si nous eussions été assurés de devoir cette générosité à votre sollicitude pour nous. Quelle qu’en ait été la cause et quel qu’en soit le peu de durée, nous avons été heureux, au milieu de nos peines et de nos inquiétudes, de revoir cette maison, et de nous retrouver dans la douceur de nos plus chers souvenirs. Vous nous ordonnez de les quitter, nous obéissons ; mais il me reste à vous remercier, moi…

— Vous, madame ? dit Antoine en la regardant fixement.

— Oui, moi, pour les deux mois que vous m’avez permis de passer ici. L’idée de n’y plus rentrer m’avait été bien cruelle ; elle me le sera moins désormais, et je me reporterai à ce court séjour comme à un dernier beau rêve qui comptera dans ma vie, et que je vous aurai dû.

Madame Thierry parlait avec un charme de voix et une distinction d’accent qui l’avaient toujours rendue très-séduisante. Dans ses rancunes, M. Antoine l’appelait avec aigreur la belle parleuse. Il sentit quand même l’ascendant de cette voix toujours fraîche, qui caressait son oreille de paroles douces et presque respectueuses. Il n’en comprenait pas beaucoup la délicatesse sentimentale, mais il semblait y trouver l’instinct de soumission dont il était avide.