Page:Sand - Antonia.djvu/65

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ont-ils besoin d’avoir des maisons à eux, de les remplir d’un tas de bêtises qui coûtent les yeux de la tête, de se faire des jardins avec des ponts et des kiosques, eux qui ne sauraient pas seulement faire pousser une laitue ? Qu’est-ce que ça me fait, à moi, qu’on vende la folie de mon frère, et que sa veuve n’ait plus de cordon bleu dans sa cuisine ni de grands seigneurs à sa table ? Ont-ils assez fait leurs embarras quand ils recevaient des comtes et des marquis, et que madame disait : « Ma maison, mes gens, mes chevaux ! » Je savais bien, moi, où tout, ce train-là mènerait la barque ! Et voilà qu’aujourd’hui on a besoin du vieux rat qui vit dans son coin en sage et en philosophe, méprisant le monde, dédaignant le luxe et se consacrant à des travaux utiles ! On baisse la crête, on lui tend la patte, et lui,… lui qui ne donnerait pas par pitié, — ces gens-là n’en méritent point, — il donne par fierté, et c’est comme ça qu’il se venge. Va, répète ça à ta tante, la belle princesse aux abois : c’est la commission que te confie ton chien d’oncle… Mais va donc, canaille de procurassier ! Que fais-tu là à me dévisager ?

En effet, Marcel, avec ses petits yeux gris et brillants, étudiait la physionomie et l’attitude de son oncle, comme s’il eût voulu percer jusqu’au fond de sa conscience.

— Bah ! dit-il tout à coup en se levant, vous êtes très-dur, très-chien, je le répète ; mais vous n’êtes pas si méchant que ça ! Vous avez à l’endroit de votre