SAINT-GUELTAS. Vous craignez d’être seule avec moi ?
MARIE. Pas le moins du monde.
SAINT-GUELTAS. Alors, vous êtes plus brave que moi. Je me sens tout ému à côté de vous.
MARIE. Pourquoi ?
SAINT-GUELTAS. Parce que vos petits pieds effleurent l’herbe avec une grâce… Vous me croyez aveugle ?
MARIE, marchant toujours. Où trouvez-vous le loisir de dire des riens au milieu des fatigues et des épouvantes de la vie que nous menons ?
SAINT-GUELTAS. Où trouvez-vous le secret d’être belle et séduisante en dépit d’une pareille vie ? Mon esprit reste frais comme votre visage et mon cœur éveillé comme vos yeux.
MARIE. C’est-à-dire que vous voulez me montrer comme vous avez l’esprit libre et le cœur léger au lendemain d’une victoire terrible et peut-être à la veille d’une défaite cruelle ? Je n’admire pas cela tant que vous croyez, monsieur le marquis !
SAINT-GUELTAS. Vous me voudriez plus sérieux avec vous ?
MARIE. Avec moi ? Peu m’importe, mais vis-à-vis de vous-même… Cela ne vous fait rien, tous ces pauvres paysans que vous menez à la mort et qui tombent par centaines autour de vous ?
SAINT-GUELTAS. Vous trouvez que je ménage ma vie plus que la leur ?
MARIE. Elle vous appartient, la vôtre, vous pouvez la mépriser ; mais faire si bon marché du sang de tant de malheureux et des larmes de tant de familles, voilà le courage que je n’ai pas et que je ne voudrais pas avoir.