CHAILLAC. Alors, marchons sur la ville.
MARIE. Non, vous n’êtes pas en force. N’essayez pas cela.
CHAILLAC. Citoyenne, tu jettes l’alarme dans le conseil. Tu protéges l’ennemi, tu étais avec lui, puisque tu n’étais pas prisonnière. On connaît ton attachement pour certaine famille…
MARIE. Je ne le nie pas, mais je vous dis la vérité. Les insurgés sont ici en force et sur leurs gardes.
MOUCHON, aux gardes nationaux. Elle a raison, je la connais, vous la connaissez bien aussi ; c’est la cousine de Hoche, elle ne voudrait pas nous tromper ; replions-nous sur Pont-Vieux et attendons-y du renfort. La troupe doit arriver…
CHAILLAC. Citoyen Mouchon, je te retire la parole et je te défends de démoraliser la garde civique que j’ai l’honneur de commander. — Toi, citoyenne, tu es suspecte, et je te retiens prisonnière jusqu’à nouvel ordre. Quant à nous, enfants de la patrie, nous n’avons pas à compter l’ennemi, nous avons à le vaincre. En avant, et vive la République ! (Les gardes nationaux s’élancent en avant en chantant la Marseillaise.)
Scène V. — Minuit.
Dans la ville de Saint-Christophe, reprise par les républicains. — Au milieu de la place, un feu de joie est allumé ; les gardes nationaux de Chaillac font brûler les meubles des citoyens réputés royalistes. — La porte de l’église est ouverte. Des factionnaires y surveillent les prisonniers. — Des volontaires et des réquisitionnaires des localités environnantes, de toute condition, équipés militairement de toute manière, s’agitent autour du feu ou devant les maisons, demandant, achetant ou pillant des vivres, selon les ressources ou le bon vouloir des habitants. — Les gens de la ville qui ne se sont pas enfuis ou cachés montrent en général beaucoup d’empressement à fêter les patriotes, qu’ils remercient de les avoir délivrés des brigands.