Page:Sand - Cadio.djvu/180

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LE DÉLÉGUÉ, à ses secrétaires. Monsieur, toujours monsieur ! Ces officiers de Kléber ne prendront jamais les manières républicaines ! Quelque fils de ci-devant, je parie ! Vous lui demanderez son nom, je n’y ai pas songé ce matin au départ.

REBEC, faisant l’empressé. Si le citoyen commissaire veut daigner entrer dans la maison du paysan…

LE DÉLÉGUÉ, brusquement. Non, j’ai froid ! je reste au soleil. Une chaise ici.

REBEC, courant vers la maison. Des siéges ; des siéges !… (La mère Corny et sa bru accourent avec des chaises de paille sur lesquelles elles étendent des serviettes blanches. Le délégué s’assied sans y faire attention. Les deux secrétaires puritains ôtent les serviettes avec le mépris marqué d’un vain luxe. Pendant ce temps, Rebec s’est glissé près de Henri et lui parle bas.)

LE PREMIER SECRÉTAIRE, qui observe tout, s’adressant au délégué. Pourquoi l’officier commandant l’escorte chuchote-t-il d’un air mystérieux avec ce particulier au langage doucereux emprunté au vocabulaire des anciens laquais ?

LE DÉLÉGUÉ. Faites comparaître ! (Le premier secrétaire va chercher Rebec. La mère Corny s’approche du délégué avec un air riant et ouvert. Le délégué, farouche et inquiet.) Que voulez-vous ?

LA MÈRE CORNY. Vous offrir un rafraîchissement, monsieur not’ citoyen ! un fruit, un pichet de cidre…

LE DEUXIÈME SECRÉTAIRE. Tu n’as pas de vin ?

LA MÈRE CORNY. On n’en cueille point chez nous ; mais on a de l’eau-de-vie… pas bien bonne.

LE DEUXIÈME SECRÉTAIRE. Apporte toujours. (Elle obéit.)

LE PREMIER SECRÉTAIRE, amenant Rebec. Voilà le faiseur de phrases !

LE DÉLÉGUÉ, ironique. Daigneras-tu nous dire qui tu es, toi, avec ta face de renard ?