Page:Sand - Cadio.djvu/184

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LE PREMIER SECRÉTAIRE. Nous avons d’autres pouvoirs que ceux de votre colonel. Tout militaire nous doit obéissance, et nous avons le droit d’interroger toute personne suspecte.

HENRI, avec indignation, s’adressant au délégué. Et je suis une de ces personnes, moi ?

LE DÉLÉGUÉ, entraîné par sa franchise. Non, mon jeune stoïcien ! Tu as bien mérité de la patrie, et bon compte sera rendu de ta conduite ! Tu es du bois dont on fait les généraux. Va, tu peux t’occuper de ton service. Nous avons confiance en toi. (Henri s’éloigne, Rebec veut le suivre.)

HENRI, bas. Ne me dis rien. Tu vois que c’est le tribunal de l’inquisition en voyage ! (Ils se séparent. Henri retourne à ses cavaliers. Rebec s’esquive dans la maison. Corny et ses garçons travaillent à réparer la chaise de poste. Le postillon fait manger l’avoine à ses chevaux. Le délégué et ses deux acolytes restent autour de la table. Cadio se glisse sous le hangar et les observe.)

LE PREMIER SECRÉTAIRE, au délégué. Par le saint couperet de la guillotine, tu faiblis !

LE DÉLÉGUÉ, fatigué, à l’autre secrétaire. Qu’est-ce qu’il dit, cet imbécile ?

LE DEUXIÈME SECRÉTAIRE. Il dit que tu faiblis, et il a raison. Tout ce qui nous entoure ou nous approche dans cette tournée est suspect et inquiétant. Le militaire a été et sera toujours girondin. Le paysan est et sera toujours royaliste. Ce n’est pas le moment de prendre confiance. La mission qu’on t’a donnée de parcourir les campagnes pour connaître l’esprit si connu des populations est probablement un piége de tes ennemis.

LE PREMIER SECRÉTAIRE, inquiet. Le fait est que nous voilà tous les trois seuls au milieu des paysans