Page:Sand - Cadio.djvu/214

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HENRI. Es-tu malade ?

CADIO. Oui, bien malade !

HENRI. Et pourquoi es-tu là, seul, couché par terre ? La misère, la faim peut-être ? Il n’y a donc plus de pitié en ce monde ? (Il l’aide à se relever.) Pauvre garçon, remets-toi, voyons ! Tiens, bois un peu. — (Il lui fait boire quelques gouttes d’eau-de-vie dans une petite bouteille plate qu’il porte sur lui en cas de blessure ou d’épuisement.) Ça va-t-il mieux ?

CADIO, qu’il a assis sur un timon de charrette. Oui ; qu’est-ce que vous voulez ? Ah ! c’est vous ?

HENRI. Moi, celui qui te doit la vie. Je cherche Louise, et… m’entends-tu ?

CADIO. Oui, Louise, partie.

HENRI. Tant mieux, alors ! Merci, Cadio.

CADIO. Oh ! non, pas tant mieux ! partie avec lui !

HENRI. Qui, lui ?

CADIO. Saint-Gueltas ! Allons, courez ; moi, je ne peux pas !

HENRI, douloureusement. Et moi, je ne dois pas !

CADIO. Vous y renoncez ?

HENRI. Il y a longtemps que j’ai renoncé à être heureux, Cadio ! Il n’est plus question de ça en France ! Je ne voulais pas que mes parentes fussent traînées à la boucherie nantaise au milieu des insultes. — Saint-Gueltas est mon ennemi, mon ennemi politique et personnel ; mais Louise n’a plus que lui pour la protéger, je ne les poursuivrai pas !

CADIO ranimé, se levant. Oh ! vous n’aimez donc pas ?… vous n’êtes donc pas jaloux ?

HENRI. Je n’ai pas le droit de l’être. Louise ne m’a jamais aimé.

CADIO. Qu’est-ce que ça fait, ça ? Elle est aveugle,