Page:Sand - Cadio.djvu/221

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nous purs et solides enfants de la vieille France, à nous qui, retirés dans nos bastilles de province, n’avons jamais perdu le sens de l’hérédité et la conscience de nos droits. Nous sommes la race forte, ma chère Louise, la race qui doit courber les races bâtardes ou périr les armes à la main. On a crié contre nos priviléges ; je le comprends, ils étaient faits pour éveiller la jalousie des croquants, et les droits qu’ils invoquent pour nous les ravir ne sont, comme les nôtres, basés que sur la force et la volonté. Qu’ils essayent donc d’être les plus forts ! c’est à nous de résister ! Si nous succombons, nous l’aurons mérité apparemment, nous aurons manqué d’énergie ; mais nous ne succomberons pas, allez ! Tous les moyens sont devenus bons pour combattre la Révolution, même l’appel à l’étranger, qu’on a pris soin de nous faire accepter en nous proscrivant et en nous jetant dans ses bras. Quant à moi, je me sens dégagé de tout scrupule, seule condition pour devenir invincible ! Est-ce que mon obstination vous scandalise ? est-ce que vous aimeriez-mieux me voir accepter à moitié la Révolution, comme tant d’autres qui nous ont quittés durant la campagne d’outre-Loire, pour essayer d’une opinion mixte et d’une situation honteuse, sous prétexte de patriotisme mieux entendu ? Si je n’ai pas quitté l’armée alors, comme j’en avais le dessein, c’est pour ne pas la démoraliser en passant pour un traître. J’ai tout sacrifié et j’ai conseillé à votre père de tout sacrifier à l’influence, au prestige que nous devions conserver. À présent, tout est perdu, fors l’honneur, c’est-à-dire que rien n’est perdu, car l’honneur est tout. Nous soulèverons les provinces de l’Ouest sur une plus vaste étendue ; mais n’oubliez pas que, pour