Page:Sand - Cadio.djvu/222

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réussir, il nous faut refuser toute concession à l’esprit révolutionnaire et à la sensiblerie philosophique, accepter la rudesse, la superstition, la férocité du paysan qui donne son sang à notre cause, et le maintenir dans cet état de colère farouche où il puise son courage, enfin accepter aussi, réclamer au besoin le secours de l’Angleterre, et voir sans préjugé ses vaisseaux foudroyer sur nos côtes ces nouveaux Français qui prétendent organiser une société sans roi, sans prêtres et sans nobles, c’est-à-dire sans frein d’aucun genre, et sans respect d’aucune supériorité.

LOUISE. Votre énergie est grande !… Je rougis d’avoir perdu beaucoup de la mienne. Je la retrouverai peut-être… Il me semble que je la retrouve déjà en vous écoutant.

SAINT-GUELTAS. Allons donc ! il le faut ! Vous avez réclamé mon appui, chère Louise ; il faut le vouloir sérieux, il faut le vouloir entier.

LOUISE. Ah ! c’est que mon cœur a été brisé de tant de manières et déchiré de tant de remords !

SAINT-GUELTAS. Des remords ! quoi ? comment ?

LOUISE. Dites-moi… savez-vous ?… Je n’ose vous interroger… Pourtant il faut que vous me disiez… Est-il vrai que Marie Hoche ait péri sur l’échafaud pour expier l’amitié qu’elle m’avait témoignée en me suivant à la guerre ?

SAINT-GUELTAS. Je n’en sais rien. Je croirais plutôt qu’elle a été noyée à Nantes.

LOUISE. Ah ! grands dieux ! l’horrible mort ! Pauvre Marie ! Et c’est moi qui l’ai envoyée à l’ennemi !

SAINT-GUELTAS. Raison de plus pour aspirer à la vengeance ! Voyons, Louise, vous pleurez ! Le temps