Page:Sand - Cadio.djvu/251

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cela ! je crois rêver. Heureuse huit jours, quinze jours peut-être !

HENRI. Pourquoi pas plus longtemps ? qui sait ?

MARIE. Ce serait exiger beaucoup dans le temps où nous vivons. À présent,… dites-moi, Henri, puisqu’il y a une minute pour respirer, où est Louise ?

HENRI. Chez Saint-Gueltas avec sa tante, voilà tout ce que je sais. Ils ont dû traverser de rudes alarmes, car on a fait une rude guerre à leur parti ; mais il y a eu armistice en attendant mieux, et la chute de Robespierre va hâter sans doute la véritable pacification. Quant au général Hoche…

MARIE. Où est-il à présent ?… Je n’osais vous demander de ses nouvelles. Il n’a donc pas été tué à la guerre ?

HENRI. Non, Dieu merci ! Il doit être à l’armée du Nord. (Bas, à Cadio.) Ne lui dis pas qu’il est en prison, puisqu’elle ne le sait pas. Il va certainement être délivré. (À Marie.) Mais parlons donc de vous, Marie ; je ne sais rien de vous encore. Pourquoi étiez-vous à Nantes… et toujours détenue ?

MARIE. C’est-à-dire comment ai-je fait pour n’être pas mise à mort ? C’est une sorte de miracle, et un autre miracle, c’est d’avoir échappé à l’épidémie horrible qui ravageait les prisons. C’est qu’à Nantes comme à Angers ma situation exceptionnelle a embarrassé la conscience de mes juges. Interrogée plus d’une fois avec une obstination minutieuse, j’ai été reconnue coupable d’attachement à mes maîtres, — je me faisais passer pour une servante de la famille de Sauvières ; — mais on n’a pu me convaincre de sympathie pour la cause royaliste. J’étais si nette de conscience à cet égard-là, que j’ai pu l’être dans mes réponses, et,