Page:Sand - Cadio.djvu/258

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J’étais si jeune ! N’importe, je l’aime comme s’il était mon frère.

HENRI. Vous l’aimerez peut-être davantage encore quand vous le verrez.

MARIE. Je l’aimerai davantage, si son arrivée vous décide à ne pas quitter la Bretagne.

HENRI. Ne dites pas cela, Marie ! je ne suis que trop disposé à y rester, si vous l’exigiez…

MARIE. L’exiger !… Je ne puis, à moins que vous n’acceptiez l’avancement auquel vous avez droit depuis longtemps. Tant que vous avez eu à combattre vos parents et vos amis pour ainsi dire face à face, j’ai compris et admiré ce fier scrupule ; mais votre oncle n’est plus ; Louise est mariée, elle me l’a écrit elle-même, elle est en sûreté ainsi que sa tante, puisque M. de la Rochebrûlée accepte, dit-elle, l’idée de faire sa paix avec la République. La guerre de brigands qui se continue en Bretagne va bientôt cesser. D’ailleurs, elle ne vous mettrait aux prises avec aucune des personnes qui vous sont chères ; je ne vois donc pas pourquoi vous voulez aller conquérir vos grades hors de France.

HENRI. Hélas ! ma chère Marie, vous vous nourrissez d’illusions. La Vendée n’est pas réellement pacifiée. Si les paysans, apaisés par des mesures de prudence et d’humanité, rentrent chez eux et reprennent leurs travaux, gare au jour où leurs moissons seront faites ! Ils seront facilement entraînés par ceux des localités où le passage des colonnes infernales n’a pas laissé de moissons à faire. D’ailleurs, les chefs ambitieux et inquiets n’ont pas renoncé à leurs espérances, et Charette ne se tient pas pour vaincu. Quelque parti que prenne Saint-Gueltas, soit d’imiter Charette