Page:Sand - Cadio.djvu/294

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frappe du pied avec fureur.) Eh bien, voyons ! As-tu si peu de philosophie, si peu de dévouement ?

SAINT-GUELTAS, irrité. Ah ! je t’admire, toi qui me prêches le désintéressement après avoir excité mon ambition quand la tienne y trouvait son compte ! J’échoue, tu m’abandonnes, c’est dans l’ordre ; mais tu pourrais t’épargner la peine de me railler.

RABOISSON. Je ne t’abandonne pas, puisque je t’ai fait venir ; mais te soutenir ouvertement est devenu impossible. Ton compétiteur l’emporte, et, ma foi, il y a de ta faute, mon cher ! Tu es d’une imprudence, d’une témérité… excellentes sur les champs de bataille, mais funestes dans la vie privée.

SAINT-GUELTAS. De quoi m’accuse-t-on ?

RABOISSON. De bigamie, rien que ça !

SAINT-GUELTAS. Qui m’accuse ? l’abbé Sapience ?

RABOISSON. Oui, l’abbé prétend que ta première femme était vivante et jouissait de toute sa raison quand tu as épousé Louise. Eh bien, qu’est-ce que tu as ?

SAINT-GUELTAS, qui brise une chaise. Il en a menti ! elle était complètement folle, incurable, et elle est morte !

RABOISSON. En as-tu la preuve ?

SAINT-GUELTAS. Mieux que ça : j’en ai la certitude.

RABOISSON. Comment ? Voyons, explique-toi.

SAINT-GUELTAS. Je ne veux pas m’expliquer, je n’ai de comptes à rendre à personne.

RABOISSON. Tant pis ! c’est donner gain de cause à la calomnie. Il circule sur ton compte des histoires effroyables que je n’ose te répéter.

SAINT-GUELTAS. Dis-les, je veux tout savoir.

RABOISSON. Puisque tu le veux… On a fait courir le bruit autour des princes que tu avais assassiné ta première