Page:Sand - Cadio.djvu/309

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possible en s’assurant de la position et des ressources de l’ennemi, et en diminuant les chances du hasard aveugle. Jusqu’ici, l’on s’est égorgé dans les ténèbres, et bien souvent sans autre espoir que celui de vendre chèrement sa vie. Ce n’est plus là le but de la guerre que nous faisons. Nous comptons épargner les paysans quand nous les aurons mis dans l’impossibilité de se soulever, et, quant aux meneurs et aux chefs, nous voulons tenter de les rallier à la patrie. M. Saint-Gueltas, mis en demeure de se prononcer librement, agira selon sa conscience ; mais, pris dans un piége, il voudra mourir bravement, et je ne me charge pas de l’assassiner.

LE BRETON, s’oubliant. Vous êtes un homme d’honneur, je le vois, monsieur de Sauvières !… (Reprenant son accent et sa physionomie de paysan.) Mais c’est donc que vous espérez l’acheter, ce gueux-là ?

HENRI. L’acheter ? Je n’ai pas ouï dire que la chose fût possible, et je n’y crois pas :

LE BRETON. Vous n’avez pas ouï dire qu’il était ruiné, réduit aux expédients, capable de tout à c’t’heure ?

HENRI. J’ai ouï dire qu’il s’était ruiné en débauches ; j’ai ouï dire aussi qu’il avait sacrifié sa fortune à sa cause. Je crois que les deux versions sont vraies et qu’il a pu mener de front les plaisirs et le dévouement. Quel que soit son véritable caractère, j’ai des raisons personnelles pour souhaiter qu’il survive à la guerre en acceptant la paix. (Il se lève de nouveau en laissant ses pistolets sur la table. Le paysan fait aussitôt la même chose, et s’approche de lui avec confiance.)

LE BRETON. Peut-on vous demander quelles sont vos raisons ?