Page:Sand - Cadio.djvu/341

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lui rendre, et je vous défie de me donner sans remords un ordre qui m’inflige le déshonneur ! (À Saint-Gueltas.) Oh ! vous avez beau rire d’un air de mépris, vous ! Je ne connais pas vos codes de savoir-vivre et votre manière d’entendre les convenances. Je ne sais qu’une chose, c’est que votre existence me pèse et m’avilit. J’ai patienté tant que je me suis cru sans droits sur cette femme et sans devoirs envers elle. Je sais à présent que, bon gré mal gré, je suis responsable de son égarement, outragé par son infidélité, empêché de me marier avec une autre et d’avoir des enfants légitimes. Elle m’a pris ma liberté, je n’entends pas qu’elle use de la sienne. Elle devait prévoir où nous conduirait ce mariage. Moi, j’étais un simple, un ignorant, un sauvage ; j’ai fait ce qu’elle m’a dit. Elle m’a traité comme un idiot dont il était facile de prendre à jamais la volonté, sans lui rien donner en échange, ni respect, ni estime, ni ménagement. Une heure après le mariage, elle se faisait enlever par vous. Vous avez cru vous débarrasser de moi, elle, en me jetant une bourse, vous, en me faisant donner un coup de poignard. Voilà comment vous avez agi envers moi, et dès lors elle s’est regardée comme libre de devenir marquise. Elle devait pourtant savoir qu’elle ne l’était pas. Son parti était écrasé, la République s’imposait, la loi était consolidée. Qu’elle ne daignât pas porter le nom obscur du misérable qui le lui avait donné pour la sauver, qu’elle ne voulût jamais revoir sa figure chétive et méprisée, je l’aurais compris et je n’aurais jamais songé à l’inquiéter ; mon dédain eût répondu au sien ; mais, avant de se livrer à l’amour d’un autre et de s’y faire autoriser par un prêtre, elle eût dû au moins s’assurer de son droit, savoir si