Page:Sand - Cadio.djvu/383

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passerais mon sabre à travers le corps ; mais quelquefois tu me permets, quand on n’est pas sous les armes, de te parler comme à un simple citoyen, et pour lors…

CADIO. Oui, en dehors du service, tu es mon égal et mon ami. Eh bien, que veux-tu dire ?

MOTUS. Que la corvée d’escorter cette denrée de cimetière est contrariante aux cœurs sensibles, et qu’il y en a encore au moins pour une quinzaine de jours ! On fera ce qui est commandé, mais je peux bien verser dans ton sein le déplaisir que j’en éprouve. Si j’étais blessé, tu me soignerais de tes propres mains, comme tu l’as fait plus d’une fois. Dès lors que mon âme saigne, tu peux m’assister d’un pansement moral dont le besoin se fait sentir.

CADIO. Oui ; écoute… Je fais partie, sous peine d’être fusillé dans les vingt-quatre heures, du conseil de guerre qui prononce sur le sort des prisonniers, et pour tous les chefs je prononce la mort. Crois-tu que j’agisse ainsi pour plaire au général Lemoine, et que la crainte d’être fusillé m’eût empêché de refuser le métier de juge, s’il eût révolté ma conscience ?

MOTUS. Non, certes, mon capitaine. J’entends la chose ; tu penses que la mort est juste.

CADIO. Oui, tant que la moitié du genre humain sera résolue à égorger l’autre pour la réduire en esclavage, il faut frapper ceux qui servent la cause du mal. Ils nous ont prouvé qu’ils n’avaient pas de parole, et que le pardon était un crime envers la patrie.

MOTUS. Je ne dis plus rien, mon capitaine : la conscience d’un simple troupier doit porter les armes à celle de son supérieur… Mais voici, une vieille citoyenne