LE COMTE, vaincu par l’élan de sa fille. Je devrais pousser jusque-là le respect de ma parole ; mais ce serait rompre avec ma religion, et Dieu me délie ! (Il place la quenouille dans une panoplie au-dessus de la cheminée et s’adresse à Louise.) Nous laisserons cela ici, ma fille, et, si Henri revient, il verra l’humiliation que j’ai subie avant de me décider à rompre vos fiançailles. Il sert la République, lui, et il la sert de bonne foi. Il apprendra qu’il n’y a plus d’accord possible entre les partis ; on l’a dit ici tout à l’heure, il n’y a plus d’avenir, plus de repos, plus de liens de cœur, plus de famille ! Ah ! Louise ! que vas-tu devenir, mon enfant !
LOUISE. Vous partez, mon père ? (Montrant les insurgés.) Avec eux ?
LE COMTE, à Saint-Gueltas. Oui, me voilà. Laissez-moi m’occuper d’un refuge pour ma famille.
LOUISE. Je vous suivrai, ma place est auprès de vous !
SAINT-GUELTAS, avec un cri de joie. Vive mademoiselle de Sauvières ! (Tous crient en agitant leurs chapeaux. Cadio reste isolé et regarde Louise sans crier.)
MACHEBALLE, le secouant. Crie donc aussi, sauvage !
SAPIENCE, à Mâcheballe. Laissez-le donc, c’est un fou ! (Ils vont au fond et parlent avec les autres.)
LA KORIGANE, à Cadio, qui regarde toujours Louise. Eh bien, Cadio ? Cadio ! est-ce que tu ne me reconnais pas ?
CADIO. Toi ? Si bien !
LA KORIGANE. Et voilà tout ce que tu me dis ? Tu ne t’es donc pas fait prêtre ?
CADIO, sortant comme d’un rêve. Ah ! oui, bonjour ! (Il s’en va.)
LA KORIGANE. Il a l’esprit tout à fait dérangé ! Pauvre Cadio !