MARIE. Quand vous avez besoin de moi ? À quoi songez-vous, Louise ?
LOUISE. Vraiment ? Ah ! brave fille !… Mais c’est impossible, tu n’es royaliste ni par situation ni par croyance. Tu ne peux pas renier tes parents, ton milieu, ton opinion pour venir partager nos périls, nos revers peut-être !
MARIE. Ma famille, qui se réduit à une vieille tante et à un frère infirme, a vécu du travail que votre amitié m’a procuré chez vous. Une petite pension vient de leur être accordée à la considération d’un cousin que nous avons sous les drapeaux et qui sert bien la République. Moi, je suis libre, je n’ai besoin de rien, et je vous servirai mieux qu’une femme de chambre, si dévouée qu’elle soit.
LOUISE. Toi, me servir ?…
MARIE. Oui, moi, car ce ne sont plus seulement des soins matériels qu’il vous faut ; c’est une amitié à l’épreuve de tout, c’est du courage pour soutenir le vôtre, c’est en un mot ce que l’on ne peut ni exiger ni obtenir pour de l’argent, mais ce qu’on doit accepter d’un cœur reconnaissant, sous peine de l’offenser en doutant de lui !
LOUISE. Ah ! chère amie, viens, alors ! oui, avec toi je serai capable de tout supporter ! Ah ! que j’ai besoin de toi ! Mon âme est déjà éperdue, je tremble d’avoir mal conseillé mon père ;… mais il est trop tard, il faut partir ou l’abandonner à la vengeance des républicains. (À la Korigane, qui entre.) Eh bien, ma tante ? est-elle prête ?
LA KORIGANE. Elle est déjà en voiture avec le vieux monsieur, et votre cheval est en bas, qui s’impatiente.