Page:Sand - Cadio.djvu/81

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homme de cœur n’a été mis à une épreuve plus cruelle. Certains devoirs dépassent les forces morales les mieux trempées, et ceux qu’on va vous imposer répugnent à la nature autant qu’à l’humanité. Vous allez peut-être vous trouver en face de vos parents, de vos amis…

HENRI. C’est possible, c’est prévu !

LE CAPITAINE. Avez-vous prévu la malédiction de votre famille, l’indignation de votre caste… et celle d’une personne… Vous étiez fiancé, m’avez-vous dit, à une parente…

HENRI. Ne parlons pas de ça, mon capitaine ; ce serait le côté faible de la place. J’avais pour la petite cousine une amitié… c’était peut-être déjà de l’amour ; mais elle n’en pouvait avoir pour moi : c’était une enfant, et Dieu sait que, depuis l’insurrection elle, doit me mépriser de tout son cœur !

LE CAPITAINE. Elle vous pardonnerait si… Voyons ! admettons toutes les probabilités : que diriez-vous si j’avais sur moi, en ce moment, l’ordre de brûler le château de Sauvières ?

HENRI, se levant. Cet ordre… l’avez-vous, capitaine ? Oui, je le vois ! vous l’avez.

LE CAPITAINE. Et vous devez commander l’exécution du mandat. On le veut ainsi.

HENRI. Diable ! c’est dur.

LE CAPITAINE. Et cruel ! j’en suis révolté. Écoutez, Henri, écoutez-moi bien. Je crois être un brave soldat et un honnête homme. Vous m’avez vu souriant en face de la mort. Eh bien, il y a un courage que je n’ai pas, c’est celui de faire des choses atroces. On l’exige de moi, — je suis résolu à désobéir.

HENRI. Vous ?