Page:Sand - Cadio.djvu/82

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LE CAPITAINE. Oui, car j’ai l’ordre aussi de brûler les chaumières et les forêts, de détruire les récoltes, de dévaster les champs, d’affamer le pays, de réduire les habitants au désespoir, et cela, dans tout le pays insurgé, sans pitié pour les enfants, les vieillards et les femmes. — Oui, c’est ainsi ! On nous donne des généraux ineptes qui n’ont jamais vu le feu. Le civil s’arroge le droit de contrôler le civisme du militaire. Un démagogue ceint d’une écharpe renverse les plans d’un officier expérimenté. Le premier venu parmi ces brutes féroces a le pouvoir de mener de braves soldats à la boucherie, et, faisant le vil métier d’espion, il dénonce comme traître quiconque ose le contredire. Votre nom vous rend suspect à un de ces lâches, et c’est lui qui, à Puy-la-Guerche, m’a donné l’ordre exécrable de vous amener ici. — Et nous nous soumettrions à de pareils ordres ? nous, des soldats français, des hommes, des philosophes ! Non, quant à moi, jamais ! Le jour où un commissaire du gouvernement viendra me dire que je suis suspect d’indulgence, je briserai mon épée et lui en jetterai les morceaux à la figure ! (Henri est absorbé, la tête dans ses mains. Un silence.)

HENRI, se levant. Et après ça ?

LE CAPITAINE. C’est la proscription ou la guillotine. J’en prendrai mon parti comme tant d’autres.

HENRI. La guillotine tranche les têtes, elle ne tranche pas les questions.

LE CAPITAINE. Elle délivre de la vie celui que l’on veut forcer à faire le mal.

HENRI. En le prenant comme ça, c’est un suicide, alors ?

LE CAPITAINE. Je l’accepte.