Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/67

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— Non ; cela vous étonne ?

— Quel âge avez-vous donc ?

— Trente ans.

— Voici une mauvaise note pour mon carnet personnel… jamais aimé à trente ans !

— Que voulez-vous ? Je ne peux pas appeler amour les émotions très-sensuelles qu’éprouve un adolescent auprès des femmes. Un peu plus tard, les gens de ma condition abordent le monde et n’y conservent pas d’illusions. Ils sont placés entre la coquetterie effrénée des femmes qui exploitent leurs hommages et l’avidité honteuse de celles qui n’exploitent que leur bourse. Ce sont les dernières qui l’emportent parce qu’il est plus facile de s’en débarrasser.

— Ainsi vous n’avez eu que des courtisanes pour maîtresses ?

— Mademoiselle de Nermont, je pense bien que vous rendrez compte de toutes mes réponses à mademoiselle Dietrich ; mais je présume qu’il est un genre de questions qu’elle ne vous fera pas. Je vous dirai donc la vérité : courtisanes et femmes du monde, cela se ressemble beaucoup quand ces dernières ne sont pas radicalement vertueuses. Il y en a certes, je le reconnais, et il fut un temps, assure-t-on, où celles-ci inspiraient de grandes passions ; mais aujourd’hui, si nous sommes moins passionnés, nous sommes plus honnêtes, nous respectons la vertu et la laissons tranquille. Les jeunes gens corrompus feignent de la dédaigner, sous prétexte qu’elle est ennuyeuse. Moi je la respecte sincèrement, surtout chez les femmes