Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/99

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J’ai en vain protesté en termes polis de ma complète indifférence, elle m’a répondu par des sophismes étranges. Ah ! ma tante, tu ne m’as jamais dit la vérité sur le compte de ton élève. Droite et simple comme je te connais, cette jeune perverse a dû te faire souffrir le martyre, car elle est perverse, je t’assure ; je ne peux pas trouver d’autre mot. Il m’est impossible de te redire notre conversation, cela est encore confus dans ma tête comme un rêve extravagant ; mais je suis sûr qu’elle m’a dit que je l’aimais d’amour, que ma méfiance d’elle n’était que de la jalousie. Et, comme je me défendais d’avoir gardé le souvenir de sa figure, elle a prétendu que je mentais et que je pouvais bien lui avouer la vérité, vu qu’elle ne s’en offenserait pas, sachant, disait-elle, qu’entre personnes de notre âge, l’amitié chez l’homme commençait inévitablement, fatalement, par l’amour pour la femme.

J’ai demandé, un peu brutalement peut-être, si cette fatalité était réciproque.

— Heureusement non, a-t-elle répondu d’un ton moqueur jusqu’à l’amertume, que contredisait un regard destiné sans doute à me transpercer.

Alors, comprenant que je n’avais pas affaire à une petite folle, mais à une grande coquette, je lui ai dit :

— Mademoiselle Dietrich, vous êtes trop forte pour moi, vous admettez qu’une jeune fille pure permette le désir aux hommes sans cesser d’être pure ; c’est sans doute la morale de ce monde que je ne connais