Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/136

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XIX


Quand Marius fut parti, j’eus pourtant la sensation d’un grand soulagement. Je sentis que je m’appartenais, et, n’étant plus obligée de l’amuser, je m’amusai comme je l’entendis toute la journée. Je pus recommencer pour la millième fois un petit jardin avec l’espoir que cette fois il ne serait pas piétiné avec une maligne distraction, et que là où je plantais des jacinthes je ne trouverais pas le lendemain des asperges ; mais, dès le jour suivant, je me reprochai mon égoïsme, et je pensai que Marius était malheureux, privé de tout peut-être, lui si délicat, commandé et humilié, lui si indépendant et si hautain. Jennie me trouva pleurant dans un coin. Elle me consola de son mieux, et, comme je m’affligeais de n’avoir pas d’argent à donner à mon pauvre cousin pour adoucir son triste sort :

— Vous en avez, dit-elle ; prenez dans ma chambre ce que vous voudrez.

Je ne me connaissais pas d’économies. Elle me fit croire qu’elle en avait fait pour moi sur les