Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/145

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payer de retour, si j’en valais la peine un peu plus tard.

Et moi, folle enfant, j’allais au-devant de cette étrange destinée, à laquelle ne m’entraînaient ni les sens, ni l’engouement, ni une grande estime, ni l’éblouissement de l’imagination, rien enfin de ce qui constitue l’amour sérieux, fatal ou romanesque dans le cœur d’une jeune fille. La seule chose sérieuse en tout cela pour moi, c’était la pitié ; la seule chose fatale, l’habitude de gâter Marius ; la seule chose romantique, mon besoin de dévouement.

Et Jennie, mon incomparable Jennie, ne comprit pas qu’elle devait m’arrêter sur cette pente glissante, ou, si elle eut quelque terreur, elle crut qu’il valait mieux ne pas m’avertir afin de ne pas me donner le vertige. Quand, impatiente de lui ouvrir mon cœur, je lui racontai le soir même la longue divagation qui avait eu lieu entre Marius et moi, elle n’en fit que rire.

— M. Marius est encore plus enfant que vous, me dit-elle. Ce n’est pas dans deux ans que vous serez bonne à marier. À seize ans, on ne sait pas encore qui l’on aime, et lui, il serait encore trop jeune pour avoir des idées sérieuses. Vous avez donc encore plusieurs années à rester heureuse et confiante comme vous l’êtes, et, quant au mari que