Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/170

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rions fatiguées. Miss Agar se soumit à cet arrangement sans rien dire ; mais à peine fut-elle hissée sur le cheval, qu’elle le mit au galop et partit comme un trait pour revenir ensuite m’offrir de le monter à mon tour. Éblouie d’abord de l’intrépidité de mon Anglaise, je me sentis jalouse de son succès, et, dès que je fus en selle, je n’attendis pas que le domestique eût saisi la bride. Je jouai du talon, et Zani, qui prenait goût au galop, m’emporta à travers champs. J’eus grand’peur ; mais l’amour-propre me donna de la présence d’esprit. Je ne contrariai pas ma monture par de fausses manœuvres, je ne l’effrayai pas par des cris. Je ne songeai qu’à me préserver de la honte d’une chute, ce qui me préserva de la notion du danger. Quand Zani eut assez couru, il s’arrêta pour brouter. Je le flattai, je me remis d’aplomb, je rajustai les rênes, et je réussis à le faire tourner et à revenir tranquillement vers mes compagnons.

Dès ce moment, je fus aussi intrépide à cheval que miss Agar. Je n’aurais souffert aucune supériorité de la part d’une personne aussi disgracieuse, et je ne voulus accepter d’autres conseils que ceux de Michel. Michel était le vieux domestique, un ancien dragon, passablement cavalier, et le meilleur homme du monde.

Il y avait longtemps, deux ans peut-être, que je