Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/201

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rieusement que Frumence prétendait nier Dieu ? Qui était-ce, elle ? Voilà où aboutissaient toutes mes conjectures. Était-ce le bien suprême des philosophes, la sagesse ? L’amante des métaphysiciens, la lumière intellectuelle ? Y avait-il sous ces mots de femme, d’amant, d’hyménée, une allégorie platonicienne ? Je me promis de le demander à Frumence.

Mais je n’osai persister dans cette intention. Non, ce n’était pas une allégorie. Frumence aimait. Elle était une femme ; quelle femme ? où ? comment ? Ma curiosité devint une idée fixe, une obsession. J’étudiais ce grimoire et j’oubliais toute autre étude. Il y avait des moments où cette recherche me paraissait sublime et la rédaction de Frumence un chef-d’œuvre. Un instant après, c’était une rêverie sans but dont Marius se fût moqué.

C’était, dans tous les cas, une porte ouverte sur un monde bien supérieur à celui des romans de miss Agar, un amour contemplatif et pour ainsi dire impersonnel.

— Si je l’osais, pensai-je, je demanderais à Frumence de m’enseigner la science morale de l’amour, car c’est une science, je le vois bien, et peut-être la plus belle de toutes. Il me semble que je la comprendrais, quelque abstraite qu’elle pût être.

Mais la honte me retenait, et j’aurais pu cher-