Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/210

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rien demander si vous trouvez que mes lumières ne vous suffisent plus, et que je ne peux pas développer en vous un idéal conforme à vos tendances. Chacun a les siennes, ma chère enfant, et la sagesse consiste à les connaître, comme l’éducation doit consister dans le soin de ne pas les contrarier.

— Si elles sont mauvaises pourtant ?

— Il n’y en aurait pas de mauvaises, si elles avaient leur libre essor dans une société bien réglée. Je sais qu’on peut abuser de la liberté : c’est le danger inévitable de tout ce qui est bon en soi ; mais l’intolérance, escortée du despotisme qui en est l’application, étant le pire des maux, il faut choisir le moindre. Donc, soyez très-pieuse, si bon vous semble ; mais n’exigez pas de moi que je sois pieux. Quand on est libre de ne plus se consulter l’un l’autre, il est si simple de ne pas chercher à discuter !

Frumence me donnait là une leçon de sagesse que j’eusse peut-être acceptée avec reconnaissance quinze jours auparavant ; mais le moyen de concilier l’indépendance de ses idées avec le culte que je lui attribuais pour moi ! Je regardai sa déclaration comme une révolte, et je l’attribuai à sa fierté blessée par mes soupçons. Je le pris donc d’un peu haut avec lui, tout en m’efforçant d’adoucir l’amertume que je lui attribuais. Je ne sais plus